Origines de l’Association

Quartier d’Alt : aux origines de l’Association pour la défense des intérêts du quartier d’Alt (ADIQA)

Par Alain Bosson (septembre 2011)

Comment est né et s’est développé notre quartier ? De quand datent les premières manifestations d’une vie associative structurée dans le quartier ? L’ADIQA serait-elle centenaire sans le savoir ? C’est à ces questions que nous tenterons d’apporter quelques éléments de réponse dans cet article, tout en lançant un appel aux habitants du quartier pour nous aider à compléter le tableau, bien lacunaire, de nos connaissances sur les pages les plus anciennes de l’histoire de notre petit coin de Fribourg.

Une histoire lacunaire

fortifications
Vue des anciennes fortifications occidentales de Fribourg, Victor Bourgeois : Fribourg et ses monuments, 1921, pp. 184-185.

A l’exception du quartier de l’Auge, objet d’une étude historique fouillée et d’une publication remarquable (1997) signée Serge Gumy, l’histoire des quartiers de Fribourg est encore très mal connue. Pour le quartier d’Alt, nous ne disposons que de très peu de choses : les numéros n° 35 et 37 de Pro Fribourg (décembre 1977 et juin 1978), consacrés entièrement à notre quartier, contiennent l’essentiel de nos connaissances sur les origines et le développement de notre quartier, tant sur le plan architectural et urbanistique que sur le plan sociologique. Deux habitants de notre quartier ont réalisé, dans le cadre de leurs études, deux travaux extrêmement intéressants qui apportent des éclairages supplémentaires : David Bonny, auteur d’un travail universitaire en géographie intitulé L’évolution urbanistique du quartier d’Alt des origines à nos jours (1993) ; plus récemment, Jérémie Koch, collégien de St-Michel et habitant de la rue Grimoux, a rédigé un excellent travail de recherche en géographie intitulé Le quartier d’Alt : développement en un centre d’études à partir d’un nouyau historique (2003). Etudiant au Collège en première année (!), Jérémie a synthétisé l’état des connaissances que l’on peut glaner dans les études consacrées à la ville de Fribourg, mais il a aussi eu la bonne idée d’aller demander à quelques aînés du quartier d’apporter quelques éclairages supplémentaires. Mais que sait-on, dans les grandes lignes, des débuts de notre quartier.

Un quartier 1900

Porte des étangs
La porte des Etangs, lieu de détente pour les citadins de Fribourg. Dessin de A. D. Schmid, gravure de C. Burckhardt. Milieu du XIXe siècle

Promenade appréciée des habitants de Fribourg au XIXe siècle, le site du futur quartier d’Alt offrait alors des abords pittoresques analogues à ceux que l’on peut encore admirer aujourd’hui aux abords de la chapelle de Lorette et de la Porte de Bourguillon. Bordé de remparts, avec ses tours (tour du blé, tour des étangs et tour d’Aigroz), ses prés et quelques bâtiments agricoles, le site ne survit pas longtemps à l’expansion naturelle de Fribourg, de plus en plus à l’étroit dans son périmètre médiéval. La construction (1827) du Pensionnat des Jésuites et Grand Séminaire, énorme construction aujourd’hui disparue, vis-à-vis de l’actuelle rue du Père-Girard, mais surtout l’irruption du chemin de fer le long de la Rue du Nord, bouleversent les données initiales et entraînent, en 1861, la destruction de la porte des étangs et le comblement de ceux-ci, dans les années qui suivent.

Plan Stajessi
Détail du Plan Stajessi, 1867. Les fortifications et la porte du Pré de l’Etang ont disparu, sacrifiées par le développement urbain et du chemin de fer

La voie est libre, si l’on ose dire, pour les constructions modernes qui suivront, à commencer par celles qui voient le jour le long de l’actuelle rue Joseph-Piller, anciennement avenue de Rome et encore plus anciennement boulevard de la Porte des Etangs… C’est là que s’ouvrent, en 1888, les fameux Bains du Boulevard, ou bains Galley, du nom de Léon Galley (+ 1922), maître de gymnastique et membre de la Société pour la protection des intérêts du quartier d’Alt… mais ne brûlons pas les étapes !

bains
Les Bains du Boulevard, ou bains Galley, vers 1900. Les bains furent exploités durant trente ans (1888-1918). Collection Prosper Macherel

Les années du XIXe siècles finissant sont les années fondatrices de notre quartier, qui vit une phase ininterrompue de chantiers : les maisons de l’actuelle rue du Père Girard, sur l’ancien tracés des remparts, datent de 1898, le café Marcello de 1899, puis les premières maisons de la rue Grimoux, qui est pratiquement complète vers 1910. Sur le plan de l’aménagement, un premier projet du Conseil communal de Fribourg remonte à août 1898, mais le véritable acte de naissance urbanistique du quartier d’Alt date du 9 janvier 1903 : ce jour-là, le Conseil d’Etat approuve le « plan d’aménagement du quartier d’Alt », dans lequel il y est question d’un certain jardin anglais, qui devra être aménagé aux abord du Belluard. En 1915, la fontaine du jardin anglais est officiellement inaugurée : c’était le 25 décembre, un beau cadeau de Noël pour le jeune quartier.

Et la vie associative ?

varis
Le haut du Varis, vers 1907, construction de la BCU Photo extraite du livre Vieux Fribourg, Editions le Cassetin,1973

 

Le besoin de se serrer les coudes et de se poser en interlocuteurs de premier plan avec les autorités communales a été une évidence pour les premiers habitants du quartier d’Alt : les structures associatives de défenses des intérêts, dans notre quartier, sont aussi vieilles que les premières constructions ! Mais comment documenter cette histoire ? On sait en consultant la presse de l’époque que l’ADIQA s’est appelée, à ses débuts Corporation du Quartier d’Alt (1911), mais a assez vite adopté sa nouvelle appellation de Société pour la protection des intérêts du Quartier d’Alt (1915). Des statuts ont été adoptés en 1915, année de l’inauguration de la fontaine, mais l’existence d’un ancêtre de l’ADIQA remonte à une période antérieure. Lorsque le premier projet d’aménagement de 1898 fut renvoyé par le Gouvernement aux autorités communales pour approfondissement, ces dernières transmirent le dossier au Consortium du quartier d’Alt. Dans le n° 35 de Pro Fribourg, on apprend que ce consortium, « représenté par le notaire Blanc et l’avocat Cosandey » (p. 12) s’adjoignit les compétences de l’ingénieur Lehmann et réalisa, en quelques années, le projet d’aménagement qui fut officiellement adopté le 9 janvier 1903. Mais le Consortium du Pré d’Alt ne s’endormit pas sur ses lauriers : un article du journal Le Confédéré du 22 février 1905 nous apprend que le bouillant comité a exposé, dans un magasin de la Rue de Romont, une maquette d’un « projet de raccordement du Pré d’Alt aux Places ». Mais à quand remonte exactement ce Consortium du Pré d’Alt ? Est-il l’ancêtre direct de la Corporation du Quartier d’Alt ? Qui sont les premiers adhérents de cette association de défense du quartier d’Alt, et combien sont-ils ? D’après Anne-Marie Boeglin et Marie-Andrée Clerc, dans leur étude sociologique sur notre quartier publiée dans Pro Fribourg n° 38, en 1903 « moins de 10 familles se partageaient, avec l’orphelinat de la ville, le ‘ravin d’Alt’ et le ‘Pré d’Alt’, dit aussi ‘Pré de l’Etang’ » (p. 23). En 1911, la Corporation du Quartier d’Alt comptait 21 membres ; ils seront 53 en 1921, et ce chiffre n’évoluera pas sensiblement dans les décennies suivantes.